Une nouvelle enquête réalisée par Global Witness révèle pour la première fois les revenus que les institutions financières du Royaume-Uni, de l'Union européenne, des États-Unis et de la Chine auraient pu dégager de certains accords passés avec des entreprises agro-industrielles associées à la déforestation et aux abus associés. HSBC, Deutsche Bank, JP Morgan, BNP Paribas, Rabobank et la Banque de Chine figurent parmi les premiers responsables.

Les banques et les investisseurs dont le siège se trouve au Royaume-Uni, dans l'Union européenne, aux États-Unis et en Chine ont généré un revenu estimé à 1,74 milliard de dollars grâce à des investissements considérables dans des entreprises agroalimentaires associées à la destruction de forêts essentielles pour le climat au cours des cinq années qui ont suivi l'Accord de Paris sur le climat. Une enquête sans précédent menée par l’organisation Global Witness montre que les principales banques, dont HSBC, JPMorgan, Deutsche Bank, BNP Paribas, Rabobank et la Banque de Chine, profitent de la destruction de la forêt tropicale, contrairement à nombre de leurs propres engagements publics.

Global Witness a analysé plus de 70 000 transactions d'actions, d'obligations, de crédits et de souscriptions conclues entre des acteurs financiers ayant leur siège au Royaume-Uni, dans l'Union européenne, aux États-Unis et en Chine et vingt des moins reluisantes sociétés agroalimentaires entre 2016 et 2020. Ces sociétés ont toutes fait état de liens avec la destruction de forêts tropicales et les violations des droits humains qui y sont associées en Asie du Sud-Est, en Afrique centrale et de l'Ouest et au Brésil. 

Le rapport intitulé Deforestation Dividends (Les Dividendes de la Déforestation), révèle l'ampleur réelle du financement accordé par les banques à certaines des entreprises les plus destructrices au monde et fournit pour la première fois une estimation du montant des revenus que les acteurs financiers auraient pu obtenir sous forme d'intérêts, de commissions et de dividendes en soutenant les secteurs de leur activités qui présentent le plus grand risque de déforestation - principalement le soja, le bœuf, l'huile de palme, la pâte à papier et le papier.

De nombreuses banques figurant dans le rapport se sont engagées à aligner leurs investissements sur les objectifs de l'Accord de Paris sur le climat et à mettre en place des politiques volontaires en matière d'environnement, de zéro- déforestation et de respect des droits humains. Les observations publiées aujourd'hui suggèrent que les décisions de financement prises par les banques sont en contradiction avec leurs propres engagements publics et leurs politiques, car elles continuent de tirer profit de la déforestation et des abus qui y sont associés.

Cela met en évidence que compter sur les engagements volontaires des banques pour freiner le financement de la déforestation a clairement échoué. En l'absence de tout mécanisme de responsabilité externe ou de législation gouvernementale, les banques continuent de conclure des accords problématiques, sans aucun risque de répercussion.

Une analyse approfondie des données financières de Global Witness de 2016 à 2020 suggère que : 

  • Des institutions financières du Royaume-Uni, de l'Union européenne, des États-Unis et de la Chine ont injecté 157 milliards de dollars dans des entreprises agroalimentaires associées à la déforestation tropicale et aux violations des droits humains qui y sont associées. 
  • Des institutions financières américaines aurait généré 538 millions de dollars grâce à des accords passés avec certaines des entreprises agroalimentaires les plus destructrices au monde.  
  • JPMorgan est le plus important bailleur en matière de déforestation aux États-Unis, dans l'Union européenne, au Royaume-Uni et en Chine, réalisant 56,9 millions de dollars à travers des contrats d'une valeur de 9,38 milliards de dollars conclues avec des entreprises ayant contribué à la destruction des forêts tropicales au cours des cinq dernières années.  
  • Des institutions financières britanniques ont conclu des transactions d'une valeur de 16,6 milliards de dollars (12,7 milliards de livres sterling), empochant ainsi au passage 192 millions de dollars (147 millions de livres sterling) de revenus associés à la déforestation.  
  • HSBC est le plus grand financeur de groupes agroindustriels destructeurs et la deuxième plus grande banque privée dans notre base de données mondiale après JPMorgan. Elle a fourni 6,85 milliards de dollars (5,25 milliards de livres sterling) pour financer certains des plus grands déboiseurs du monde - et a probablement dégagé au passage plus de 36,4 millions de dollars (27,8 millions de livres sterling) de revenus. Sur ce total, HSBC a perçu 20,2 millions de dollars (15,5 millions de livres sterling) dans les années qui ont suivi son engagement ’zéro-déforestation’ en 2017. 
  • Les organismes de prêt établis dans l'Union européenne ont dégagé 455 millions de dollars (401 millions d'euros) de recettes corrigées en fonction de la déforestation sur 34,7 milliards de dollars (30,6 milliards d'euros) de transactions conclues avec les principaux responsables de la déforestation. Les grandes banques néerlandaises, françaises, espagnoles, allemandes et italiennes ont une place prépondérante dans la conclusion de ces transactions.  
  • La plus grande banque française, BNP Paribas, aurait pu dégager plus de 37,3 millions de dollars (32,9 millions d'euros) de revenus issus d’accords passés avec l’agro-industrie destructrice des forêts tropicales, tandis que la banque néerlandaise Rabobank aurait pu empocher environ 76,2 millions de dollars (67,2 millions d'euros) et la Deutsche Bank 14,1 millions de dollars (12,4 millions d'euros).

Parmi les entreprises agro-industrielles destructrices qui se sont avérées particulièrement lucratives pour ces banques mondiales, citons : le géant du soja SLC Agricola, accusé d'avoir défriché 30 000 hectares de forêt dans le Cerrado brésilien entre 2011 et 2017 ; les géants brésiliens de la viande bovine JBS, Marfrig et Minerva, que Global Witness a précédemment associés à des dizaines de milliers d'hectares de déforestation en Amazonie brésilienne ; Salim Group, qui est accusé de détruire la forêt tropicale, de faire travailler des enfants et de commettre d'autres abus liés à ses opérations d'huile de palme en Indonésie ; et Olam International, qui est accusé d'avoir rasé 40 000 hectares de forêt tropicale au Gabon entre 2012 et 2017 afin de créer des plantations d’hévéa et d'huile de palme. Les antécédents problématiques de ces entreprises auraient dû alerter les équipes de conformité des banques.

Le rapport vient s'ajouter à la pression croissante exercée sur les banques pour qu'elles se soumettent à de nouvelles règles en matière de déforestation et de chaînes d'approvisionnement, et vient renforcer les demandes de recours et de réparation des communautés affectées en vertu des lois internationales et nationales. Dans la mesure où les gouvernements, les actionnaires et le public perçoivent de mieux en mieux le caractère illégitime des revenus générés à partir de violations de l'environnement et des droits humains, les bénéfices réalisés par les banques dans le cadre de la déforestation pourraient devenir des risques considérables. 

Les gouvernements des grands centres financiers, y compris l'Union européenne, le Royaume-Uni, les États-Unis et la Chine, doivent adopter de toute urgence des lois strictes qui empêchent le secteur financier de tirer profit de la déforestation et des violations des droits humains qui y sont associées, et qui pénalisent ceux qui continuent de le faire.

Les institutions financières doivent également rompre immédiatement leurs liens avec les entreprises agro-industrielles destructrices et assurer des réparations et des recours aux communautés touchées.

Nos conclusions surviennent alors que les dirigeants mondiaux se préparent à se réunir pour la conférence cruciale sur le climat, COP26, dans un contexte de températures mondiales records, d'augmentation des événements météorologiques extrêmes et de taux alarmants d'incendies de forêt et de déforestation dans le monde entier, y compris en Amazonie. 

La déforestation étant l'un des principaux moteurs du réchauffement de la planète il est essentiel de protéger les forêts du monde entier pour éviter de nouvelles catastrophes climatiques, la perte de biodiversité et pour contribuer à stopper la propagation de maladies zoonotiques telles que le COVID-19.

Shona Hawkes, conseillère principale en politique mondiale sur les forêts chez Global Witness, a déclaré :

« Notre enquête a suivi l'argent pour révéler, pour la première fois, combien les principales banques mondiales retirent de la destruction des forêts essentielles au climat ainsi que des violations des droits humains qui y sont associées.

« Le meilleur exemple de cette injustice climatique est celui des grandes institutions financières dont le siège se trouve à Londres, Paris et New York, qui encaissent des sommes astronomiques alors qu'elles financent la destruction des terres, des foyers et des moyens de subsistance des communautés qui protègent leurs forêts depuis des générations et qui sont parmi les plus faibles émetteurs de gaz à effet de serre au monde.

« Les profits réalisés par les acteurs financiers liés à la déforestation sont toxiques - pour la planète, pour les communautés concernées et, en fin de compte, pour les banques elles-mêmes, car leurs investissements dans des entreprises agroalimentaires destructrices risquent de plus en plus de devenir des risques légaux et financiers.

« Les banques vantent leurs mérites écologiques à l'aide de politiques et d'engagements volontaires clinquants, mais nos constatations soulignent que ces derniers ne sont guère plus que du pur blanchiment écologique. Les discours ne valent pas grand-chose et l'argent en dit plus long que les paroles - si nous jugeons les banques sur leurs décisions de financement depuis l'Accord de Paris sur le climat, nous constatons qu'elles continuent d'amasser des millions de dollars en gains illégitimes provenant de la déforestation et qu'elles laissent en plan les communautés concernées.

« Tout en sachant que la préservation des forêts figure en tête de l'ordre du jour de la COP26, voir les gouvernements et le secteur financier continuer à colporter des solutions fausses et dénuées de sens qui ne permettent pas de lutter efficacement contre la destruction des forêts dans le monde est un risque bien réel. Les dirigeants mondiaux doivent s'engager à mettre en place une réglementation gouvernementale qui empêche les entreprises et les institutions financières de tirer profit de la déforestation. »


Exclusion de responsabilité : la version française est une traduction du document original en anglais. Cette traduction ne peut être utilisée qu’à titre de référence. En cas de divergence entre la version française et la version originale anglaise, la version anglaise fait foi.