Global Witness, Transparency International EU, Open Society European Policy Institute et douze autres organisations saluent l'adoption par l’Union européenne d'un régime de sanctions visant les auteurs de violations des droits de l’homme à travers le monde. Nous exhortons néanmoins l’UE à adopter un régime de sanctions complémentaire ciblant les ressortissants de pays tiers liés à des actes de corruption, et à s'aligner aux autres régimes existants aux États-Unis ou au Canada, et en cours d'élaboration au Royaume-Uni. 

Aujourd’hui le Conseil de l’Europe a annoncé l'adoption d'un nouveau Régime mondial de sanctions en matière de droits de l’homme. Ce régime vise les crimes contre l’humanité, les arrestations arbitraires et les exécutions extrajudiciaires. Il vise également les auteurs de traite des êtres humains, de violences sexuelles et d'atteintes à la liberté de réunion pacifique, à la liberté d’expression ou de religion. Toutefois, le régime ne tient pas compte la corruption ou des pratiques de corruption liés au financement des violations des droits de l'homme suscités.

Les membres du Parlement européen et des organisations de la société civile ont appelé à plusieurs reprises l’UE à étudier l'adoption d’un régime de sanctions ciblant conjointement les auteurs de violations des droits de l’homme et d'actes de corruption. La prise en compte de ces deux dimensions semble cruciale pour lutter contre les accords opaques et les pillages d'États menés par des acteurs corrompus, et qui peuvent engendrer conflits et violations des droits de l'homme. En consolidant le pouvoir politique et financier des kleptocrates et des auteurs de violations des droits de l’homme, la corruption prive les populations des recettes de leur État, paralyse les systèmes de redevabilité et sape les principes mêmes de la démocratie.

« Nous saluons l'adoption d’un régime de sanctions visant les auteurs de violations des droits de l’homme, mais nous déplorons que celui-ci ne cible pas les individus impliqués dans des actes de corruption. Nous espérons que l’UE choisira de suivre le modèle britannique en s’engageant sans délai à adopter un régime de sanctions distinct qui ciblera les entités impliquées dans des actes de corruption à travers le monde » a déclaré Margot Mollat, chargée de campagne à Global Witness.

L’Union européenne est une destination de choix pour les dirigeants et les femmes et hommes d'affaires corrompus du monde entier, désireux de blanchir des fonds et d’investir dans l’immobilier, dans l'éducation, ou tout simplement d’ouvrir un compte en banque européen.  Isabel dos Santos, la fille de l'ancien président angolais est par exemple largement accusée de corruption depuis que des milliers de documents sur ses activités commerciales ont été rendus publics. Elle fait aujourd'hui l’objet d’une enquête en Angola pour détournement de fonds publics alors qu’elle effectuait d'importantes affaires et investissements commerciaux dans l’UE, notamment avec le Portugal et les Pays-Bas. Laisser la porte ouverte à des fonds potentiellement issus de la corruption pourrait ainsi compromettre l’intégrité du système financier européen. 

Alors que d'autres États adoptent des régimes de sanctions visant la corruption, nous craignons également que l’UE ne devienne une niche juridique et un refuge pour les individus liés à des actes de corruption. Au Royaume-Uni, un nouveau régime de sanctions ciblant la corruption est en cours d'élaboration, tandis que les États-Unis et le Canada appliquent déjà des régimes de référence en la matière. Ce fossé entre le régime de sanctions européen et d’autres régimes plus ambitieux témoigne du retard de l’UE sur ces questions.

« En omettant la corruption dans la nouvelle résolution de l’UE, on risque d’envoyer le message que l’Europe est un refuge pour l'argent sale. Tant que des kleptocrates, des réseaux de blanchiment de fonds et leurs facilitateurs européens auront la possibilité d’exploiter le marché financier européen, ils biaiseront des pans entiers de l'économie européenne à leur avantage et saperont l’intégrité du marché européen » a déclaré Laure Brillaud, chargée de plaidoyer à Transparency International EU.

Le cas du très controversé Dan Gertler, magnat des mines et ami proche de l'ancien président de la République démocratique du Congo Joseph Kabila est un exemple édifiant de l’ouverture de l’UE vis-à-vis de flux financiers suspects bloqués par les sanctions imposées sous d'autres juridictions. Dan Gertler est sous le coup de sanctions américaines en raison de ses contrats opaques et corrompus dans le secteur minier et pétrolier en RDC. Dans une enquête récente, Global Witness et la Plateforme de protection des lanceurs d'alerte en Afrique révèlent la façon dont Dan Gertler aurait exploité l’euro et les cadres juridiques européens afin de contourner les sanctions imposées par les États-Unis.

"Ce nouveau régime de sanctions est une grande avancée, mais l'absence de corruption signifie que l'UE sera en retard par rapport à d'autres partenaires mondiaux. Comme les sanctions sont plus efficaces lorsqu'elles sont coordonnées, elles risquent de faire de l'UE un maillon faible dans la lutte mondiale contre la corruption", a déclaré Tinatin Tsertsvadze, analyste politique à l'Open Society European Policy Institute. 

Par nature, ces sanctions ne seront efficaces que si elles sont multilatérales. Une action collective pourrait avoir un impact bien plus important et serait plus efficace pour dissuader l’impunité, la perpétration d'actes de corruption et de violations des droits de l’homme. L’UE se doit de rattraper son retard sur ces questions, et de prendre des mesures fermes contre la corruption.

Isabel dos Santos et Dan Gertler ont tous deux nié leur implication dans tout acte répréhensible.

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Signatures

Global Witness 
Open Society European Policy Institute
Transparency International EU 
Resource Matters 
The Sentry 
AfreWatch 
UNIS 
RAID
Spotlight Corruption
International Lawyers Project
Plateforme pour la Protection des Lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF)
International Partnership for Human Rights
Eastern Partnership Civil Society Forum
REDRESS
Human Rights First