Vous avez peut-être lu des récits décrivant l'exploitation des enfants dans des mines d'or artisanales au Ghana. Des milliers d'enfants extraient l'or ghanéen dans des conditions dangereuses ; cette situation en violation avec les lois ghanéennes et internationales est dénoncée dans un rapport récemment publié par Human Rights Watch. Dans les mines clandestines, cet ONG a vu des jeunes de moins de 18 ans « extraire le minerai d'or des puits, le transporter, le broyer et le traiter au mercure, produit toxique ». Les raffineurs d'or internationaux basés dans des pays comme l'Afrique du sud, la Suisse, les Émirats arabes unis et l'Inde, qui achètent de l'or au Ghana, sont les éventuels bénéficiaires de ce type d'exploitation.
Malheureusement,
ce que le rapport décrit n'a rien d'exceptionnel. Il n'est qu'un exemple parmi
beaucoup d'autres, de ce que les gens subissent au départ des chaînes
d'approvisionnement en minerais si les entreprises qui les commercialisent ou
les utilisent n'instaurent pas les contrôles adéquats.
Alors que les décideurs mondiaux, la société civile et le secteur privé se réunissent aujourd'hui à Paris pour le 3e Forum mondial sur la conduite responsable des entreprises, à l'appel de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ceux qui sont les plus susceptibles d'être victimes d'abus devraient être au cœur des débats.
Les chaînes d'approvisionnement responsables en minerais font l'objet d'une attention mondiale croissante, cependant concentrée uniquement sur une poignée de pays. Le plus important parmi eux est la République démocratique du Congo, dont les minéraux utilisés dans le monde entier financent des conflits et des atteintes aux droits de l'homme depuis plus de dix ans. Mais à l'instar des chaînes d'approvisionnement qui véhiculent ces minéraux, le risque d'avoir financé un conflit ne s'arrête pas aux frontières. Celui-ci peut advenir sur n'importe quelle chaîne d'approvisionnement et pour n'importe quelle ressource naturelle, et les entreprises n'en auront le cœur net qu'en effectuant les contrôles permettant de le vérifier. Cette question ne peut pas être maladroitement réduite à une « liste » de pays « à problèmes » ou à seulement un ou deux minéraux.
Qui plus est, les outils permettant aux entreprises de gérer leurs chaînes d'approvisionnement de manière responsable existent déjà. Certaines le font depuis cinq ans.
Le Guide de l'OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d'approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque a été élaboré pour aider les entreprises à respecter les droits de l'homme, éviter que leurs pratiques d'approvisionnement en minerais ne contribuent à des conflits, et promouvoir des chaînes d'approvisionnement garanties responsables et un engagement durable des entreprises. Il a été conçu en gardant à l'esprit le secteur minier, et tout particulièrement le problème des « minerais de conflit ». Mais le plan en cinq étapes peut s'appliquer à toutes les ressources naturelles. Il donne aux entreprises les outils nécessaires pour répondre à toute violation des droits de l'homme dans leur chaîne d'approvisionnement, pas seulement celles liées à un conflit armé. Il peut être utilisé pour évaluer les risques concernant les conditions de travail, notamment le travail des enfants, les risques pour la santé ainsi qu'un vaste ensemble de normes environnementales et sociales.
La question demeure la suivante : combien d'autres scandales devront être mis au jour le long des chaînes d'approvisionnement avant que les entreprises ne mettent leurs promesses à exécution, et s'approvisionnent enfin de façon réellement responsable?
Nous savons que la volonté politique progresse : les chefs d'État et de gouvernement du G7 ont publié la semaine dernière une déclaration s'engageant à « améliorer la transparence et la responsabilité des chaînes d'approvisionnement » en encourageant « les entreprises qui opèrent ou qui ont leur siège dans les pays du G7 à mettre en œuvre des procédures de diligence raisonnable concernant leurs chaînes d'approvisionnement ». La législation américaine contraint certaines entreprises à vérifier leurs chaînes d'approvisionnement afin de garantir que quatre minéraux qu'ils utilisent ou commercialisent, dont l'or, n'ont pas financé des conflits en Afrique centrale. Le Parlement européen vient de voter un règlement qui demande que les importateurs européen d'étain, de tantale, de tungstène et d'or suivent des pratiques responsables, conformément aux recommandations de l'OCDE.
Mais ces directives internationales ne suffiront jamais tant que les entreprises ne les appliqueront pas.
Le Guide de l'OCDE sur le devoir de diligence peut et doit être mis en pratique par les entreprises qui s'approvisionnent en or dans ces mines spécifiques au Ghana, ou dans d'autres régions similaires. Un récent rapport publié par un groupe d'experts de l'ONU estime que deux tonnes d'or sortent illégalement de République centrafricaine chaque année, un trafic dont on sait que des groupes armés violents profitent par un système de taxation.
Le devoir de diligence fondé sur les risques n'est pas nouveau ; c'est une pratique bien établie et largement répandue notamment dans le secteur financier. Vérifier sa chaîne d'approvisionnement n'est pas une restriction ou un embargo commercial : c'est un processus par lequel le risque est identifié et géré, et non pas ignoré ou évité. Se retirer entièrement d'un pays ou d'une région n'est ni souhaitable, ni souhaité par le devoir de diligence.
D'après le rapport de Human Rights Watch, il est clair que beaucoup d'entreprises locales et internationales qui utilisent et commercialisent l'or du Ghana ne déploient pas tous leurs efforts pour s'approvisionner de façon responsable dans les mines d'or artisanales du pays. Rappelons le témoignage d'un enfant mineur d'or dans le district de Haut Denkyira (est de la Région du centre) : « Je n'aime plus [travailler à la mine d'or] avec toutes ces personnes qui meurent. » Les entreprises ne devraient pas attendre le prochain scandale pour s'emparer du problème. Elles ont les outils pour identifier et traiter les risques qui se présentent à tous les niveaux de leurs chaînes d'approvisionnement. Il est grand temps de les utiliser.