Press release | 6 Septembre 2019

Des garanties strictes sont indispensables au nouveau partenariat de l’Initiative pour la forêt d’Afrique centrale qui pourrait menacer les tourbières du Congo

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Global Witness appelle l'Initiative des forêts d'Afrique centrale[1] (CAFI) et ses membres à assurer l’établissement de conditions strictes et de garanties dans son nouveau partenariat de 65 millions de dollars US conclu cette semaine avec le gouvernement de la République du Congo.

En avril 2019, le gouvernement de la République du Congo a autorisé les activités de forage et d’exploration dans le bloc pétrolier de Ngoki en délivrant un certificat de conformité environnementale aux opérateurs[2]. 64% de ce bloc pétrolier se trouve dans des tourbières - un environnement qui, s’il est endommagé, peut devenir une source majeure d’émission de gaz à effet de serre[3].

En autorisant l’exploration pétrolière ou toute forme d’exploitation des tourbières, nous pensons que le gouvernement de la République du Congo entreprend déjà des actions qui pourraient compromettre les objectifs de CAFI[4] et remettre en question son soutien au processus REDD +[5] ainsi que son engagement à l’Accord de Paris[6] pour lutter contre le changement climatique.

Global Witness s’inquiète de l’insuffisance des dispositions actuelles de la Lettre d'Intention, dispositions qui pourraient légitimer l'exploration minière et pétrolière dans les tourbières[7]. Nous demandons donc instamment à CAFI de renforcer les garanties et les conditions convenues entre les deux parties afin de garantir la protection effective de la forêt et des tourbières en République du Congo.

La forêt du Bassin du Congo est la deuxième plus grande forêt tropicale du monde et abrite la deuxième plus grande tourbière tropicale récemment découverte couvrant la République du Congo et la République démocratique du Congo. On estime que ces tourbières contiennent 30 milliards de tonnes de carbone, soit l'équivalent de près de trois années d'émissions mondiales de gaz à effet de serre selon CAFI. Les tourbières du Congo font face à des risques immédiats de déforestation et de changement d’utilisation des sols qui constituent des menaces importantes pour ces forêts et le climat mondial[8].

Global Witness a exposé à plusieurs reprises des preuves de pratiques probables de corruption et de blanchiment d’argent impliquant la famille et le cercle politique rapproché du président congolais Sassou-Nguesso[9]. Ces révélations sont symptomatiques de graves problèmes de gouvernance en République du Congo.

Dans ce contexte, CAFI devrait garantir des conditions strictes et des sauvegardes effectives pour protéger les tourbières avant d’accorder tout financement à la République du Congo. Ces conditions devraient inclure l'annulation immédiate de tous les blocs pétroliers dans ou autour de la tourbière ainsi que l'interdiction de toute activité industrielle actuelle et future (exploitation forestière, agroalimentaire, exploitation minière, hydrocarbures) et des projets d'infrastructure dans ou autour de la tourbière du Bassin du Congo.

CAFI doit également s’assurer d’un engagement politique de haut niveau du gouvernement congolais en faveur de l’état de droit, de la transparence et de la participation de la société civile à la protection des forêts du pays.

CAFI devrait tirer des leçons de son expérience en République démocratique du Congo voisine, où les projets de soutien à une expansion de l'exploitation forestière industrielle ont été sujets à controverse[10]. L’organisme doit veiller à ce que ses programmes ne soient en aucun cas associés à l’expansion de l’activité industrielle dans la forêt tropicale du bassin du Congo et ne portent pas atteinte aux efforts mondiaux de lutte contre le changement climatique.



[1] L'initiative pour la forêt de l’Afrique centrale (CAFI) a été officiellement lancée le 29 septembre 2015 en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies à New York. Il s’agit d’une initiative du ministère norvégien chargé du climat et des forêts, en collaboration avec d’autres donateurs, dont la France, l’Allemagne, l’Union européenne, la Corée du Sud, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, qui se sont engagés à protéger la forêt d’Afrique centrale en finançant et en appuyant le processus REDD +.

L'objectif principal de REDD + est de réduire les émissions issues de la déforestation et de la dégradation forestière et d'améliorer les stocks de carbone dans les forêts.

Dans une déclaration commune, les membres du CAFI se sont engagés « à reconnaître et à préserver la valeur des forêts de la région pour atténuer le changement climatique, réduire la pauvreté et contribuer au développement durable ». Les pays partenaires, y compris la République du Congo, se sont spécifiquement engagés en faveur d'un « changement transformationnel visant à réduire les émissions résultant du déboisement et de la dégradation des forêts ».

[2] http://www.sgg.cg/JO/2019/congo-jo-2019-17.pdf p.335

[3] https://www.iucn.org/resources/issues-briefs/peatlands-and-climate-change

[4] http://www.cafi.org/content/cafi/en/home/our-work/governance/the-cafi-declaration.html

[5]  L'objectif principal de REDD + est de réduire les émissions forestières et d'améliorer les stocks de carbone dans les forêts  https://www.un-redd.org/how-we-work-1 

[6]  La République du Congo s'est engagée à un réduction conditionnée de ses émissions de 48% d’ici 2025 par rapport au scénario tendanciel, et de 55% d’ici 2035. https://www4.unfccc.int/sites/submissions/INDC/Published%20Documents/Congo/1/INDC_Congo_RAPPORT.pdf 

[7] Lettre d’intention entre CAFI et la République du Congo, Annexe 1, Jalons, p. 20 ‘ 6.2 Les activités de prospection et d’exploitation sont réalisées conformément aux principes définis dans le jalon 3.1, notamment aux dispositions relatives à la compensation des impacts biodiversité et carbone. 6.3 Des orientations et normes relatives, à l’exploration et à l’exploitation minière à faible impact sur la forêt et les tourbières sont définies au sein du cadre de concertation, adoptées et mises en œuvre. Ces normes définiront les modalités de planification, d’exploration et d’exploitation de activités minières et d’hydrocarbures lorsqu’elles ont lieu dans l’espace forestier ou de tourbière, de manière à réduire l’impact, direct et indirect, sur ces derniers. Elles seront hiérarchisées selon les approches suivantes (i) éviter les impacts ; (ii) minimiser les impacts ; (iii) atténuer les impacts ; (iv) compenser les impacts. https://www.undp.org/content/dam/cafi/docs/RoC%20documents/Letter%20of%20Intent/Letter%20of%20Intent%20-%20Republic%20of%20Congo%20-%20FR.pdf

[8] https://www.carbonbrief.org/climate-change-and-deforestation-threaten-worlds-largest-tropical-peatland

[9] https://www.globalwitness.org/fr/campaigns/oil-gas-and-mining/congo-doit-appliqu%C3%A9-transparence-avant-bailout-fmi/

 https://www.globalwitness.org/fr/campaigns/corruption-and-money-laundering/le-condo-de-luxe-trump-une-affaire-d%C3%A9tat-congolaise/

https://www.globalwitness.org/fr/campaigns/corruption-and-money-laundering/blanchisserie-sassou-nguesso-une-affaire-d%C3%A9tat-congolaise-partie-ii/

https://www.globalwitness.org/en/press-releases/republic-congo-presidents-son-paying-designer-shopping-sprees-countrys-oil-money/

[10] https://www.globalwitness.org/fr/press-releases/les-gouvernements-norv%C3%A9gien-et-fran%C3%A7ais-menacent-la-deuxi%C3%A8me-%C3%AAt-tropicale-du-monde/

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