Une entreprise accusée d’avoir financé la guerre en Centrafrique invitée à une conférence de l'UE sur l’exploitation forestière

Appel urgent pour mettre fin à l'impunité de l'industrie forestière en République centrafricaine et pour adopter un cadre d'action européen sur le bois de conflit

BRUXELLES (17 Mars 2015) - Une entreprise ayant financé des groupes armés en République centrafricaine (RCA) a été invitée par la Commission européenne à participer à une réunion sur  l'exploitation illégale des forêts et le commerce du bois illégal, révèle aujourd’hui Global Witness.

Un représentant de la Société d'exploitation forestière centrafricaine (SEFCA), active depuis 1988 en RCA et premier exportateur de bois de ce pays déchiré par la guerre, participera cette semaine à une conférence-bilan du plan d’action FLEGT (Forest Law Enforcement, Governance and Trade) de l’Union européenne (UE), destiné à lutter contre le commerce du bois illégal.

Des preuves obtenues par Global Witness montrent que cette entreprise a été impliquée dans l'exploitation illégale des forêts et qu’elle continue d'exporter vers l’UE du bois à haut risque d'illégalité. Il y a cependant plus grave : SEFCA a versé d'importantes sommes d'argent à des groupes armés en RCA, dont 250 millions de FCFA (381 000 euros) au régime de la Séléka, qui a été accusé de violations flagrantes des droits de l'homme.

« SEFCA a financé l’effort de guerre tout en poursuivant ses activités commerciales en RCA », a expliqué Alexandra Pardal, responsable de campagne à Global Witness, une ONG engagée dans la défense des droits de l’homme et de l'environnement.

« La place d’une entreprise forestière comme SEFCA ne se trouve pas dans une conférence de l'UE, mais dans un tribunal », a déclaré Pardal.

La RCA est secouée par des violences politiques depuis mars 2013, date à laquelle le président François Bozizé a été renversé par la Séléka, une rébellion dirigée par Michel Djotodia. Depuis, un gouvernement de transition a été mis en place, mais le pays est toujours en proie à des violences causées par des groupes armés.

Le bois est aujourd’hui le premier produit d’exportation de la RCA, mais l’exploitation forestière souffre d'une absence de contrôles gouvernementaux, et n'a pas contribué au développement du pays, classé en bas de l'Indice de développement humain des Nations Unies et reconnu comme l’un des Etats les plus corrompus du monde par Transparency International.

En juillet 2014, un groupe d'experts des Nations unies a établi que des sociétés forestières figuraient parmi les sources de revenus des groupes armés opérant en RCA.

La communauté internationale a pris au sérieux le risque que le commerce de diamants finance le conflit en RCA, même si sa réaction n’a pas été immédiate. Deux mois après le coup d'Etat, elle a pris des mesures pour mettre fin au commerce international des diamants de RCA, représentant environ 59 millions d’euros par an, et a suspendu le pays du processus de Kimberley.

A l’inverse, l'UE envisage aujourd’hui de relancer avec le gouvernement de transition un accord commercial sur le bois, appelé « Accord de partenariat volontaire », qui aidera l’industrie forestière du pays à se mettre en conformité avec les lois et à continuer à commercer avec l'Europe.

Alors que l'UE est partie prenante du processus de Kimberley - qui réglemente le commerce du diamant pour l'empêcher de financer des guerres et qui est largement considéré comme un succès – elle n’a pris aucune mesure contre le bois illégal ou susceptible de financer un conflit.

« Le bois de conflit est tout aussi nocif que les diamants de conflit. Le plan FLEGT de plusieurs millions d’euros de l’UE pour lutter contre le bois illégal risque de devenir un moyen de blanchir les activités des voyous et d’être discrédité si il légitime des entreprises comme SEFCA. Si l'UE décide de poursuivre un accord commercial sur le bois avec un Etat failli comme la RCA et en impliquant une entreprise comme SEFCA, c’est exactement ce qui va se passer, » a déclaré Pardal.

Global Witness estime que les compagnies forestières ont versé plusieurs millions d’euros à des groupes armés en RCA au cours des deux dernières années.

SEFCA affirme que le bois qu'elle commercialise est légal et qu’elle est elle-même une victime étant donné qu’elle a perdu plusieurs véhicules pendant le conflit. Elle ajoute qu'elle a reçu des détachements du régime Seleka ainsi que des détachements des forces internationales de la paix pour des raisons de sécurité. 

Pardal a expliqué que les événements en RCA montrent qu’un cadre d'action européen pour lutter contre le bois de conflit, l'une des sept priorités du plan d'action FLEGT adopté en 2003, est nécessaire.

« L'UE et ses Etats membres sont engagés sur le terrain et financent la reconstruction de la République centrafricaine. Ils doivent également couper les sources d'approvisionnement des parties en conflit, en s’assurant que les groupes armés, qu’ils soient soutenus ou pas par l'État, soient privés de revenus. Ils doivent aussi faire en sorte que les entreprises qui profitent du bois de conflit rendent des comptes, » a ajouté Pardal.

« Sinon, tous les efforts de consolidation de la paix et de médiation seront vains, » a-t-elle conclu.

Global Witness publiera prochainement les résultats complets de son enquête sur le bois de conflit en RCA.

Notes aux rédacteurs:

Lire le discours d’Alexandra Pardal sur le bois de conflit en République centrafricaine, prononcé à la conférence FLEGT de l’UE le mercredi 18 mars.

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Alice Harrison, +44 (0) 784 133 8792, [email protected]

Alexandra Pardal, +44 (0) 772 073 7954, [email protected]