Rapport / 8 Juin 2007

Chocolat chaud : comment le cacao a alimenté le conflit en Cote d'Ivoire

Un nouveau rapport de Global Witness publié aujourd’hui révèle que plus de 118 millions de dollars issus du commerce du cacao ont financé l’effort de guerre des deux parties dans le récent conflit armé en Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire est le plus gros producteur mondial de cacao destiné à l’industrie chocolatière.
Le rapport, intitulé « Chocolat chaud : comment le cacao a alimenté le conflit en Côte d’Ivoire », indique que des sociétés internationales exportatrices de cacao ont considérablement contribué au financement du gouvernement ivoirien mais aussi des Forces Nouvelles (FN), le groupe de rebelles qui contrôle le nord de la Côte d’Ivoire.
Depuis septembre 2002, les combats en Côte d’Ivoire ont fait des milliers de morts parmi la population civile et entraîné le déplacement de centaines de milliers d’individus. Plus de 40% de la population est désormais touchée par la pauvreté.
« Votre barre chocolatée a de fortes chances de contenir du cacao ivoirien et il se peut qu’elle ait financé le conflit dans ce pays, ce qui laisse un arrière-goût amer », déclare Patrick Alley, directeur de Global Witness. « L’industrie du chocolat devrait mettre de l’ordre dans ses affaires et veiller à ne vendre que du chocolat non associé au conflit. »

40 % du cacao mondial provient de la Côte d’Ivoire, soit deux fois plus que la production du numéro deux mondial, le Ghana. Le cacao est la principale ressource économique de cet État ouest-africain marqué par l’instabilité, représentant en moyenne 35 % de la valeur totale des exportations ivoiriennes, soit environ 1,4 milliard de dollars par an.

Le rapport « Chocolat chaud » renseigne sur la tendance du secteur du cacao ivoirien à la mauvaise gestion des revenus, à l’opacité des comptes, à la corruption et au favoritisme politique. Il présente des éléments de preuve détaillés mettant en exergue :

- le détournement de plus de 58 millions de dollars issus du cacao pour l’effort de guerre du gouvernement;

- l’existence d’un lien entre deux importantes entreprises occidentales et le détournement de certains fonds issus du commerce du cacao. A l’époque du détournement de ces fonds, deux directeurs d’entreprises du secteur cacao (l’un de Cocoa SIFCA, la filiale ivoirienne du groupe agroalimentaire américain Archer Daniels Midland (ADM), et l’autre de Dafci, qui à l’époque faisait partie du conglomérat français Bolloré) représentaient la plus grande organisation professionnelle d’exportateurs ivoiriens au conseil d’administration de l’institution ivoirienne de la filière cacao, la Bourse du Café et du Cacao ;

- la stratégie employée par les rebelles des Forces Nouvelles pour se procurer environ 30 millions de dollars par an en taxant le cacao transitant par le nord et en empêchant le cacao produit dans le nord d’être acheminé vers le sud, dans la zone contrôlée par le gouvernement. Ce dispositif fiscal parallèle a non seulement permis aux FN de survivre en tant que mouvement, mais il a également permis à certains de ses représentants de s’enrichir aux dépens de la population du nord de la Côte d’Ivoire ;

- différents actes d’intimidation perpétrés à l’encontre de ceux qui ont tenté d’enquêter sur la corruption au sein du commerce du cacao ou de la dénoncer – depuis la disparition et le meurtre probable du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer en 2004 jusqu’à l’enlèvement d’un juriste français qui effectuait un audit de la filière cacao pour l’Union européenne.

Global Witness appelle les entreprises internationales actives dans le commerce du cacao à agir : « Les consommateurs devraient appeler les numéros de service clientèle figurant au dos de leur barre chocolatée et exiger que les compagnies fassent pression sur leurs fournisseurs pour qu’ils soutiennent les planteurs de cacao et pas l’effort de guerre. Les compagnies exportatrices de cacao devraient être plus transparentes au niveau des paiements qu’elles effectuent de manière à ce que leur argent aille où il devrait : en soutien au développement et pas dans les poches d’élites des deux côtés de la crise, qui ne rendent de comptes à personne », précise Patrick Alley.

Alors même que le gouvernement et les Forces Nouvelles tentent de parvenir à un accord de paix, il est primordial que les deux parties cessent de détourner les revenus du cacao et qu’elles prennent des mesures pour mettre un terme à la corruption et à la mauvaise gestion.

Le rapport « Chocolat chaud : comment le cacao a alimenté le conflit en Côte d’Ivoire » peut être consulté dans son intégralité à l’adresse www.globalwitness.org

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Note à l’attention des équipes de rédaction

Global Witness est une organisation non gouvernementale indépendante qui enquête sur les liens entre l’exploitation des ressources naturelles, les conflits et la corruption, et qui mène des campagnes dans ce domaine.

Toutes les publications de Global Witness peuvent être consultées à l’adresse www.globalwitness.org