Communiqué de presse / 4 Mars 2013

Découverte de grumes illégales en provenance du Libéria dans un port français alors que de sévères sanctions pénales entrent en vigueur dans toute l’UE

Du bois libérien illégal d’une valeur de plusieurs milliers d’euros se trouvait dans un port français moins de trois semaines avant l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi européenne interdisant les importations de bois illégal, a déclaré Global Witness aujourd’hui. En vertu du Règlement Bois de l’UE, qui a pris effet hier, l’importation de bois illégal est interdite et pourrait valoir aux importateurs jusqu’à deux ans d’emprisonnement ou une amende de 50 000 euros.

« La découverte de bois libérien illégal en Europe au moment même où la nouvelle législation entre en application souligne qu’il est impératif que les sociétés européennes veillent à la respecter, faute de quoi elles s’exposeront à des pénalités très sévères », a commenté Alexandra Pardal, responsable de campagne senior pour Global Witness. « La quasi-totalité du bois en provenance des forêts tropicales comporte d’importants risques d’illégalité et devrait faire l’objet de contrôle rigoureux – et en cas de doute, quel qu’il soit, il ne faut pas y toucher. »

Le 13 février, Global Witness a découvert dans le port de Nantes (France) de très importantes grumes tropicales en provenance du Libéria. Les étiquettes apposées sur les grumes indiquaient clairement qu’elles avaient été abattues au titre d’un permis déclaré illégal par un comité d’enquête mis en place par la Présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf. Des chiffres officiels sur les exportations du Libéria indiquent qu’après le 31 août 2012, la société allemande B & T Wood a expédié vers la France 1 631 m³ de grumes abattues au titre de permis illégaux. Une autre société allemande, Treemex, a expédié vers la France 929 m³ de grumes coupées dans l’illégalité en janvier 2013, d’après des données sur les exportations.

Contactée par Global Witness, la société B & T Wood a nié avoir importé le bois auquel les données sur les exportations libériennes faisaient référence, mais elle a confirmé avoir importé en France du bois libérien abattu en vertu du même type de permis de coupe au mois de septembre 2012 ou aux alentours. B & T Wood a déclaré que le gouvernement libérien avait instauré des mesures de contrôle inviolables pour éliminer la coupe et l’exportation illégales de bois d’œuvre et qu’elle se conformait aux normes les plus strictes en matière de vérification de la légalité du bois qu’elle achetait. Treemex n’a pas répondu.

Des enquêtes et rapports réalisés en 2012 par Global Witness, Save My Future Foundation (SAMFU) et Sustainable Development Institute (SDI) ont révélé qu’en raison de l’effondrement de l’ordre public, 40 % des forêts tropicales du Libéria avaient été cédées à des sociétés forestières suite à la délivrance généralisée et illégale de licences appelées « Private Use Permits » (PUP, Permis pour une utilisation privée). Les sociétés forestières se sont servies de ces permis pour contourner la réglementation et échapper à leurs obligations fiscales.

En décembre dernier, une commission d’enquête indépendante établie par la Présidente Johnson Sirleaf a publié un rapport qui renseigne sur les nombreuses manières dont la délivrance des Permis pour une utilisation privée porte atteinte aux lois libériennes. Le rapport a également fait ressortir des éléments qui indiquent l’existence d’une fraude systématique, d’une falsification de documents et de paiements corrompus adressés à des agents de l’État.

Global Witness a fourni des détails sur l’itinéraire emprunté par le bois d’œuvre faisant l’objet de PUP depuis le Libéria jusqu’à la Chine, l’Inde, la Turquie, la Russie et les Émirats arabes unis, en plus de la France. En vertu du nouveau règlement, toute société qui importe du bois d’œuvre dans l’UE est désormais tenue de procéder à des contrôles approfondis pour s’assurer que le bois a été abattu conformément aux lois en vigueur dans le pays producteur. Dans les pays à haut risque où l’état de droit fait défaut, ce qui est le cas de la plupart des pays dotés de forêts tropicales, les sociétés devront connaître les détails de chaque permis d’exploitation au titre duquel le bois est abattu et prendre des mesures pour s’assurer du respect de l’ensemble des lois en vigueur.

« Les importateurs européens de bois d’œuvre vont désormais devoir redoubler d’efforts », a ajouté Alexandra Pardal. « Cela fait des décennies que les pays consommateurs sont à l’origine d’une hausse de la demande de bois d’œuvre bon marché et illégal qui engendre une corruption et une criminalité dans les pays forestiers, avec des effets dévastateurs sur l’environnement. Ce règlement constitue un important pas en avant qui permettra de veiller à ce qu’ils prennent leurs responsabilités envers les produits qui atterrissent dans les usines européennes ou dans les catalogues des grandes enseignes. »

D’après Interpol, qui a annoncé un durcissement considérable de sa lutte contre ce commerce le 20 février, ayant arrêté 200 personnes dans 12 pays d’Amérique centrale et du Sud, la valeur du commerce international de bois d’œuvre illégal pourrait atteindre les 100 milliards de dollars US. À travers le monde, environ une personne sur cinq est directement tributaire des forêts pour satisfaire une partie de ses besoins quotidiens. En outre, les forêts abritent la moitié de toutes les espèces animales et végétales.

Notes à l’attention des équipes de rédaction

  • La décision relative au mode de mise en œuvre du règlement dans chaque État membre de l’UE revient au gouvernement de ce pays. Pour l’instant, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont annoncé les pénalités qu’ils imposeront, les sociétés allemandes s’exposant à deux ans d’emprisonnement ou à une amende de 50 000 euros si elles portent atteinte à la législation. Les directeurs d’entreprises britanniques pourraient quant à eux faire l’objet d’une peine maximale de deux ans de prison. La France devrait prochainement adopter des pénalités similaires.
  • Des photographies haute résolution du bois d’œuvre découvert dans les ports du Libéria et de France ainsi qu’une carte en ligne interactive qui retrace l’itinéraire des importations illégales de bois depuis le Libéria en 2012/13 sont disponibles sur demande.

Contacts

Alex Pardal ; [email protected] ; +44 (0)7720 737 954

Chloe Fussell ; [email protected] ; +44 (0)7790 464 596

Oliver Courtney ; [email protected] ; +44 (0)7912 517 147