Report | 3 Juin 2015

L’Impunité Exportée

Les dirigeants d’entreprises européennes et américaines pourraient être passibles d’amendes, voire risquer une peine de prison, s’ils traitent avec des sociétés forestières congolaises accusées de se livrer à une exploitation forestière illégale systématique et de commettre des atteintes d’ordre social et environnemental, prévient Global Witness.

Les enquêtes que nous avons consacrées au commerce du bois de la République démocratique du Congo (RDC), qui représente une valeur de 87,1 millions d’euros, montrent que des entreprises forestières portent régulièrement atteinte aux réglementations destinées à protéger les forêts et qu’elles sous-paient leurs taxes. Deux des plus importants exploitants forestiers congolais seraient complices du passage à tabac et du viol de membres des populations locales, l’une de ces entreprises étant accusée de complicité dans le meurtre d’un membre de la communauté qui s’opposait à ses opérations.

En 2014, du bois de RDC valant au moins 19,8 millions d’euros a été mis sur les marchés de l’Europe et des États-Unis, malgré les législations commerciales internationales visant à préserver ces marchés. Pour la première fois, notre rapport L’Impunité Exportée révèle la destination finale de ce bois.

Cliquez ici pour accéder à notre outil numérique montrant les flux de bois de la RDC vers les marchés internationaux.

timber tracker screengrab

Nous savions que les entreprises forestières de la RDC enfreignaient la loi, mais l’ampleur des illégalités est vraiment choquante. L’UE et les États-Unis ne respectent pas leurs obligations légales consistant à tenir à l’écart de nos marchés le bois lié à l’exploitation illégale, à la violence et à des mesures d’intimidation. Les négociants encaissent des millions de dollars grâce à une activité qui conduit à l’extinction des dernières forêts tropicales de la planète. - Alexandra Pardal, responsable de campagne pour Global Witness.

La RDC abrite les deux tiers de la deuxième plus vaste forêt tropicale au monde. Les contrôles exercés par le gouvernement étant faibles, voire inexistants, les entreprises forestières présentes en RDC disposent à leur guise d’une zone de forêt tropicale de la taille de la Bulgarie ou de l’Etat américain de la Virginie.

Global Witness exhorte les autorités de l’UE et des États-Unis en charge de l’application des lois à prendre des mesures rigoureuses à l’encontre des entreprises qui contribuent à financer des atteintes. La France et le Portugal sont les plus importants destinataires du bois en provenance de RDC, après la Chine. En 2014, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Espagne et la Belgique ont chacun importé du bois congolais d’une valeur d’au moins un demi-million d’euros.

« Les négociants internationaux ne se laissent pas décourager par le risque élevé que représente le bois de RDC. Il faut que cela change. Les autorités de l’UE et des États-Unis devraient renforcer leurs législations et mettre un frein à cet afflux de bois illégal », a commenté Alexandra Pardal. « Si la communauté internationale tient véritablement à sauver les dernières forêts tropicales du monde, elle doit arrêter de remplir les poches de ceux qui les pillent. »

En vertu du Règlement sur le bois de l’Union européenne (RBUE) et du Lacey Act américain, les entreprises n’ont pas le droit d’importer du bois qui porte atteinte aux législations du pays producteur. Aux États-Unis, ces atteintes sont considérées comme un délit pénal.

Dans l’UE, les sanctions varient d’un pays à l’autre, mais en France, les atteintes sont passibles d’une peine de prison de deux ans et d’une amende de 100 000 €. Les entreprises de l’UE ont également pour obligation de soumettre leurs chaînes d’approvisionnement à des contrôles et d’en éliminer les produits qui risquent d’être illégaux. 

Nous avons écrit à toutes les entreprises citées dans ce rapport. Les réponses que nous avons reçues sont consultables ici: Compagnie des BoisMotemaOnatraSefocoSodefor

Cliquez ici pour la réponse de Global Witness au communiqué du ministère de l’Environnement et du Développement durable de la RDC après publication de ce rapport.


Pour en savoir plus

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