Nous sommes complètement consternés par la condamnation à mort prononcée à l’encontre des lanceurs d'alerte Gradi Koko Lobanga et Navy Malela Mawani, anciens employés d’Afriland Bank qui ont révélé la possible implication de l’institution dans un présumé réseau international de blanchiment d'argent.
Le jugement a eu lieu à leur insu, sans qu’ils y soient représentés, et aurait été fondé sur des informations trompeuses ou inexactes. Global Witness condamne entièrement cette tentative de criminalisation d’individus courageux, qui avaient initialement soulevé en interne leurs préoccupations sur les activités d’Afriland Bank, avant de quitter la République démocratique du Congo (RDC) et de les rendre publiques par la suite. Nous joignons à nos partenaires, la Plateforme de protection des lanceurs d'alerte en Afrique (PPLAAF), et la société civile congolaise pour demander au gouvernement de la RDC d’intervenir afin de renverser cette procédure judiciaire biaisée et entachée d’irrégularités.
La protection des sources et des partenaires sera toujours une préoccupation prioritaire pour Global Witness. M. Koko et M. Malela ont courageusement renoncé à leur anonymat pour dénoncer des intérêts puissants et faire entendre leur voix. Nous réitérons notre solidarité avec eux alors qu’ils continuent à faire l’objet d'allégations fallacieuses et trompeuses qui mettent en danger leur vie et celle de leur famille.
Ce n’est pas la première fois que la désinformation et les mensonges sont utilisés pour salir ceux qui dénoncent les puissants réseaux et organisations visés par notre rapport publié en juillet 2020, Des sanctions, mine de rien, produit en partenariat avec PPLAAF. Ce rapport avait été accueilli avec une avalanche d’informations trompeuses. Les preuves que nous y présentions démontraient que Dan Gertler aurait utilisé un présumé réseau international de blanchiment d'argent dans le but de contourner les conséquences de sanctions américaines.
À ce jour, Gertler reste sur la liste des entités sanctionnées par les États-Unis malgré l’octroi d’une licence peu avant le départ de l'administration Trump. Cette licence, très inhabituelle, lui permet de poursuivre ses activités et de dégeler ses avoirs pendant un an, bien qu’elle puisse être annulée à tout moment. Comme le révèle une récente enquête du New York Times, l’octroi d'une telle licence était illégal. L’administration Biden étudie actuellement la possibilité d'annuler cette décision.
Avant même la publication de notre rapport, une plainte pénale abusive avait été déposée par Afriland Bank contre Global Witness et PPLAAF. L'institution, citée dans notre enquête, semble avoir cherché à détourner l'attention ou à discréditer nos conclusions. Dans les jours qui ont suivi la publication de nos preuves, nous avons observé un torrent de messages sur les réseaux sociaux véhiculant des allégations fallacieuses à l’encontre de notre organisation et de notre personnel. Des vidéos de bonne qualité ont été partagées, prétendant notamment que nous avions obtenu nos informations par des méthodes sournoises, ou que nous alimentions des théories du complot internationales bien connues et fort désolantes. Certains des comptes ayant partagé ces contenus semblent avoir été créés très récemment, ce qui soulève des questions sur le niveau de coordination et de financement de cette campagne de diffamation.
C’est donc sans grande surprise que, quelques jours après les dernières révélations du PPLAAF (vendredi 26 février), deux articles anonymes et estampillés « contenu promotionnel » sont apparus sur le site d’informations israélien YNet News ; ceux-ci tentent de dépeindre Global Witness comme une organisation aux mauvaises pratiques financières et de gouvernance en s'appuyant sur des informations accessibles au public. Une vidéo visant aux mêmes effets a été mise en avant à travers une campagne publicitaire payante sur Youtube. PPLAAF fait également l’objet d'allégations graves, qu’elle réfute à juste titre dans une déclaration détaillée.
Ces méthodes de désinformation cherchent bien entendu à réduire au silence, à intimider à et éliminer les voix de ceux qui dénoncent la corruption, la criminalité et l’exploitation. Elles visent également à empêcher le peuple congolais d’accéder aux faits, de demander justice et d’exiger des changements profonds à l'échelle nationale.
Il est difficile de dire si la couverture médiatique diffusant sans vérification les allégations contre les lanceurs d'alerte, PPLAAF et Global Witness est l'œuvre de complices cherchant à détourner l'attention du public des preuves des malversations commises par Gertler et Afriland Bank, ou s’il s'agit simplement de pratiques journalistiques irresponsables. En tous cas, aucun effort n’a été entrepris pour corroborer les faits ou permettre aux cibles de commenter ou de clarifier ces allégations. De telles pratiques ont des conséquences réelles, en premier lieu pour les lanceurs d'alerte et leur famille, mais aussi pour les individus et organisations qui poursuivent leurs activités de divulgation.
De notre côté, nous nions intégralement les allégations selon lesquelles Global Witness ou ses employés auraient agi à l’encontre des normes déontologiques élevées mises en place pour la conduite de nos enquêtes. Nous soutenons les déclarations préalablement avancées sur le modèle d’entreprise de Dan Gertler et le rôle d’Afriland Bank, et restons un fier allié du travail de la PPLAAF sur ce sujet. Nous avons une confiance totale dans l’intégrité de notre travail ainsi que dans notre désir de voir la vérité exposée au peuple congolais.
Nous mettons un point d’honneur à remédier à accusations fausses et hautement diffamatoires visant une ancienne employée de Global Witness, Carina Tertsakian, qui ne repose sur aucun fondement factuel. Madame Tertsakian ne travaille plus pour Global Witness depuis 2009. Elle n’a jamais été impliquée dans la moindre de nos enquêtes liées à Dan Gertler, et n'a joué aucun rôle dans l’enquête sur laquelle repose le rapport Des sanctions, mine de rien, qui contient les informations révélées par les lanceurs d'alerte MM. Koko et Malela.
Nous espérons et attendons des autorités congolaises qu’elles jouent à présent leur rôle pour garantir une procédure judiciaire équitable et solide, exempte de tentatives de désinformation et de diffamation, ou encore des fausses allégations contenues dans les plaintes biaisées.
Nous exhortons les autorités congolaises et la communauté internationale à dénoncer dans son intégralité ce jugement, basé sur une procédure judiciaire manifestement injuste, irrégulière, opaque et entachée de désinformation. Non seulement la condamnation à mort des deux lanceurs d'alerte est absurde, mais elle constitue également un affront aux principes fondamentaux du droit international relatif aux droits de l’homme. Les lanceurs d'alerte, qui agissent dans l’intérêt général, doivent être protégés partout dans le monde.