Press release | 10 Février 2016

La RD Congo ne doit pas renoncer à l’amélioration de sa législation minière et à la lutte contre la pauvreté

La décision prise aujourd’hui par la République démocratique du Congo (RDC) d’abandonner la réforme de son Code minier fait passer le pays à côté d’une opportunité cruciale d’améliorer la gouvernance de son secteur minier et d’apporter une importante contribution à la réduction de la pauvreté à travers le territoire congolais, a déclaré Global Witness aujourd’hui.

Le ministre congolais des Mines a déclaré à des investisseurs que son pays renonçait au projet d’actualisation de son code minier, d’après Bloomberg. En effet, depuis 2012, le gouvernement congolais négociait les amendements à apporter à la version archaïque de cette législation datant de 2002. Cette décision revient donc à tirer une croix sur les quatre années d’efforts consacrés à la réforme, et tombe tout juste neuf mois avant l’élection présidentielle qui pourrait conduire à la première passation de pouvoir pacifique en RDC. 

La RDC est le plus gros producteur de cobalt au monde et le plus gros producteur de cuivre d’Afrique. Sa richesse minérale se monte à plusieurs trillions de dollars, mais de vastes sommes ont été détournées du trésor public à cause de la corruption et de la mégestion, pour atterrir dans les poches de chefs de milices et de membres de l’élite fortunée. Les 80 millions d’habitants que compte la RDC, dont la plupart vivent dans une pauvreté extrême, ne bénéficient guère de cette richesse. Le pays souffre d’une violence cyclique depuis deux décennies, qui est en partie alimentée par la concurrence autour de la richesse minérale. 

« La faiblesse de la réglementation du secteur minier fait que le gouvernement congolais ne dispose pas des recettes nécessaires pour payer les écoles, les hôpitaux et les routes dont la population a tant besoin. Tirer une croix sur les efforts de réforme de cette loi représente une opportunité manquée de grande ampleur pour un pays où, si elles étaient gérées correctement, les recettes de l’exploitation minière pourraient offrir un moyen crucial de se sortir de la pauvreté et de contribuer à la stabilité », a déclaré Nathaniel Dyer, chef de l’équipe Congo à Global Witness. « Le gouvernement congolais semble avoir cédé aux pressions de l’industrie visant le maintien des modalités fiscales avantageuses et des réglementations laxistes en vigueur dans le secteur minier de la RDC. »

Malgré une forte croissance ces dernières années, le secteur minier de la RDC a été mis à mal par une gouvernance insuffisante, qui a fait perdre au pays des recettes minières colossales. Ainsi, de 2010 à 2012, une série de cinq accords miniers opaques conclus avec des entreprises offshore anonymes liées à un ami du Président Joseph Kabila a coûté à l’État au moins 1,36 milliard de dollars – soit le double des dépenses annuelles du pays dans les secteurs de la santé et de l’éducation. Dans l’est de la RDC, jusqu’à 98 % de la production artisanale d’or sort du pays en contrebande, ce qui, de nouveau, fait perdre au pays des millions de dollars de recettes fiscales qu’il pourrait consacrer à des travaux publics. Le manque d’application et la faiblesse des règles en vigueur ont facilité ces pertes.

Les discussions sur la révision du Code minier ont impliqué des consultants juridiques internationaux ainsi qu’une série de réunions de consultation de large ampleur dans la capitale congolaise, Kinshasa. Des ONG et le secteur privé s’étaient déclarés d’accord sur certaines réformes. Une version préliminaire de la nouvelle loi, datant de mars 2015, reposait entre autres sur l’emploi de nouveaux termes, certes vagues, mais prometteurs sur la publication des contrats, sur un processus d’appels d’offres transparent et sur la divulgation de l’identité des propriétaires réels. Le gouvernement a désormais abandonné toutes ces démarches d’une manière inexplicable.

« La République démocratique du Congo ne peut se permettre de maintenir un système par lequel des contrats de plusieurs millions de dollars peuvent être conclus dans le secret, au lieu d’être soumis à un processus d’appel d’offres ouvert, et aux propriétaires réels des titres miniers de se cacher derrière des entreprises anonymes. Il faut que le gouvernement revienne sur cette décision et reprenne les consultations sur une nouvelle loi qui permettra à la population congolaise de bénéficier des recettes minières », a commenté Nathaniel Dyer.

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Contacts

  • Nathaniel Dyer

Infos pour les journalistes:

  1. Une version préliminaire de la loi a été soumise au Parlement en mars 2015, pour ensuite être rapidement retirée. Global Witness avait émis des commentaires sur cette loi. Le communiqué de presse peut être consulté à l’adresse suivante : https://www.globalwitness.org/en-gb/press-releases/la-republique-democratique-du-congo-envisage-daffaiblir-les-reglementations-destinees-eliminer-la-corruption-miniere/   
  2. L’analyse de Global Witness concernant les derniers amendements qui avaient été proposés pour le Code minier peut être consultée à l’adresse suivante: https://www.globalwitness.org/documents/18092/GW_DRC_mining_code_analysis_FR_-_15.10.15.pdf 
  3. Dans son rapport final de 2013, le Groupe d’experts des Nations Unies sur la République démocratique du Congo estimait qu’en 2013, 98 % de la production artisanale d’or de la RDC avait été exportée en contrebande.
  4. L’élection présidentielle est prévue pour le mois de novembre mais elle risque d’être reportée. Des groupes congolais de l’opposition accusent le Président Kabila de tenter de conserver le pouvoir au-delà des deux mandats prévus par la Constitution du pays.
  5. Le Code minier actuel ne contient pas de dispositions relatives à des appels d’offres obligatoires ou à la nécessité de divulguer des informations sur les propriétaires réels. À l’heure actuelle, le Code ne garantit pas la publication des contrats miniers. Celle-ci est en effet stipulée dans un arrêté du Premier Ministre, qui pourrait être retiré à n’importe quel moment.
  6. La RDC a perdu plus de 1,36 milliard de dollars à cause de cinq accords secrets conclus en 2010 et 2012 ; certains des actifs miniers les plus précieux du pays ont été vendus au rabais, en l’absence de tout processus d’appel d’offres, à des entreprises offshore dont on ignore l’identité des propriétaires réels : https://www.globalwitness.org/en/campaigns/oil-gas-and-mining/congo-secret-sales/ 
  7. La législation minière congolaise actuellement en vigueur date de 2002, époque où le pays sortait de la Seconde Guerre du Congo.