Briefing | 6 Novembre 2019

Renforcer la responsabilité des entreprises

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Vers une obligation de diligence raisonnée dans l’UE pour la protection des personnes et de la planète

Des forêts tropicales de la taille de la Belgique rasées en un an. L’équivalent de deux terrains de football de forêt amazonienne détruit chaque minute au Brésil. Des centaines de défenseurs des droits de la terre et de l’environnement tués et dépossédés de leurs terres pour faire place à l’agrobusiness, aux compagnies minières et à l’exploitation forestière. Une vague de colère politique et sociale qui grandit face au dérèglement climatique et à la destruction de l’environnement. 

Au sein de l’Union européenne, les orientations et les démarches volontaires ne suffisent pas à empêcher une catastrophe environnementale massive. Il est temps que l’UE impose une diligence raisonnée aux sociétés basées sur le continent européen, ou qui fournissent biens ou services à ses citoyens.

Lire notre rapport conjoint avec ClientEarth ici: Renforcer la responsabilité des entreprises : vers une obligation de diligence raisonnée dans l’UE pour la protection des personnes et de la planète [1MB, PDF]

Dans notre monde globalisé, la consommation et les investissements peuvent alimenter et accélérer la destruction de l’environnement dans certains territoires parmi les plus fragiles et précieux que compte la Terre, parfois à des milliers de kilomètres de nous. L’UE en est le triste exemple : ses importations sont jugées responsables de plus d'un tiers de toute la déforestation. En d’autres termes, 30 % de la destruction des forêts à travers le monde est imputable aux produits de l’agriculture et de l’élevage achetés par l’UE à d’autres régions.

En quoi consiste le problème?

Les forêts tropicales constituent notre premier rempart contre le changement climatique. Pourtant, la quête du profit menée par des sociétés basées dans l’UE et leurs intérêts commerciaux ont pris le pas sur la défense de l’environnement et des droits humains. En conséquence, nos forêts si vitales disparaissent à un rythme effréné.

Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur l’urgence de l’effondrement climatique en cours, la destruction de la biodiversité et d’écosystèmes vitaux, les dommages causés aux communautés locales et aux peuples autochtones, et la contribution de la consommation et des systèmes financiers européens à cette crise.

Tandis que la course aux terres s’accélère, les ravages écologiques et les violations des droits humains, qui vont aujourd'hui de pair, prennent eux aussi une ampleur inquiétante. Le lien direct entre ces deux phénomènes s'observe aussi bien à court terme (pensons aux terres accaparées avec violence qui sont ensuite défrichées pour laisser place à des projets industriels) qu’à long terme, comme en témoignent les sécheresses détruisant les cultures, obligeant ainsi de nombreuses familles à fuir d'un continent à l'autre.

Que doit faire l’Union européenne?

Les orientations et les démarches volontaires ne suffisent pas à empêcher une catastrophe environnementale massive. Il est désormais primordial que l’UE impose une diligence raisonnée aux sociétés basées dans l’UE ou qui fournissent des biens ou services dans l’UE.

Parmi ces sociétés figurent notamment des financiers et des investisseurs, qui détiennent un pouvoir considérable car ils facilitent et encouragent des projets susceptibles d’occasionner de graves répercussions sur les droits de l’Homme  et l’environnement. Tous ces acteurs devraient faire preuve d’une diligence raisonnée pour identifier, prévenir et atténuer les risques qu’ils font peser et les conséquences de leurs actes sur l’environnement, les droits de l’Homme et la gouvernance, et rendre des comptes à cet égard[1].

La publication tant attendue de la Communication de l’Union européenne sur la déforestation est l’occasion pour l’UE de faire figure de pionnier à l’échelle mondiale, en prenant des mesures concrètes pour combattre la déforestation, la dégradation de l’environnement et les violations des droits de l’Homme, et ce via l’introduction d’une diligence raisonnée  s’appliquant à l’ensemble des secteurs, chaînes d’approvisionnement et investissements des sociétés basées dans l’UE ou fournissant biens ou services dans l’UE.

L’Union européenne devrait également adopter des mesures pour aider les producteurs des pays en développement à améliorer leurs normes environnementales et leurs pratiques en matière de droits de l’Homme, en vue d'améliorer les conditions de vie dans ces régions.

Une diligence raisonnée correctement exercée est dans l’intérêt des sociétés elles-mêmes, étant donné que les problématiques liées à l’environnement et aux droits de l’Homme présentent des risques matériels considérables : entraves opérationnelles, réputation ternie ou encore risques financiers et juridiques[2].

Une réglementation exigeant des sociétés qu’elles identifient, préviennent et atténuent les dégradations de l’environnement et les violations des droits de l’Homme peut les aider à mieux gérer ces risques, tout en assurant des conditions de concurrence équitables pour les sociétés. Une telle réglementation aiderait aussi les investisseurs à remplir leurs nouvelles obligations au titre du Règlement européen sur l’information des investisseurs, car ils devront évaluer le profil des sociétés dans lesquelles ils investissent en fonction de paramètres environnementaux, sociaux et de gouvernance.

Une diligence raisonnée associée à des obligations de divulgation pour les sociétés permettrait de disposer d'un cadré cohérent et coordonné.

Une réglementation européenne sur la diligence raisonnée  profiterait également aux entreprises privées exerçant dans plus d’un État membre, car elles pourraient se référer à un ensemble de critères commun, et aiderait l’UE à honorer ses engagements internationaux, notamment les objectifs de développement durable de l’Agenda 2030 et l’Accord de Paris sur le climat.

Quel est le contenu de notre rapport?

Ce rapport décrit les principaux éléments d'une réglementation sur la diligence raisonnée , qui exigerait des sociétés qu’elles procèdent à des contrôles sur leurs investissements et leurs chaînes d’approvisionnement afin d’identifier, de prévenir et d’atténuer les risques et les conséquences environnementaux, sociaux et pour la gouvernance, au sein et en-dehors de l’Union européenne.

Il s’appuie sur l’expérience accumulée par Global Witness et ClientEarth en matière d’application d’une diligence raisonnée  dans une multitude de secteurs. Son but est d’éclairer les discussions entre décideurs politiques et d’encourager des contrôles rigoureux et cohérents des pratiques commerciales, des importations, de la production et des investissements en Europe.

Nous nous attardons tout particulièrement sur la nécessité d’une diligence raisonnée en lien avec les risques de déforestation ; toutefois, nous estimons que la diligence raisonnée  devrait s’appliquer à l’ensemble des secteurs et chaînes d’approvisionnement et d’investissement, et couvrir les risques et les impacts relatifs à l’environnement, aux droits humains et à la gouvernance.

 Lire notre rapport conjoint avec ClientEarth ici: Renforcer la responsabilité des entreprises : vers une obligation de diligence raisonnée dans l’UE pour la protection des personnes et de la planète [1MB, PDF]

[1] Ces risques environnementaux, sociaux et pour la gouvernance sont souvent désignés par l’acronyme ESG. Le site web des Principes pour l’investissement responsable (UNPRI) indique qu’il existe « de nombreux exemples de facteurs ESG, et que ceux-ci changent sans cesse » ; certains sont propres à des secteurs ou activités particuliers très exposés à ces risques. Les analystes, tel que RepRisk, peuvent intégrer des dizaines de thématiques différentes à leur analyse. L’UNPRI énumère quelques exemples de facteurs ESG, dont : « Environnemental : changement climatique (dont risques physiques et risques de transition) ; appauvrissement des ressources, dont l’eau ; déchets et pollution ; déforestation. Social : conditions de travail, dont esclavage et travail des enfants ; communautés locales, dont communautés autochtones, conflits, santé et sécurité ; relations de travail et diversité. Gouvernance : rémunération des cadres ; subornation et corruption ; lobbying politique et donations ; diversité et structure des conseils de direction ; stratégie fiscale ».  PRI, What is responsible investment? (« Qu’est-ce que l’investissement responsable ? »)  https://www.unpri.org/pri/what-is-responsible-investment

[2] Climate Advisers et Ceres, Case Study Series: Business Risks from Deforestation, novembre 2017. Chain Reaction Research, The Chain: Deforestation as a climate risk for investors, juin 2019.


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