Communiqué de presse / 22 Avril 2014

La décision de la Cour d’appel des États-Unis sur la loi sur les minerais du conflit est une victoire partielle, affirme Global Witness; son jugement relatif à l’atteinte à la liberté d’expression est décevant

En décidant de reconnaître le bien-fondé de la législation contre le commerce de minerais du conflit, la Cour d’appel des États-Unis pour le circuit du district de Columbia a démontré qu’elle était favorable à l’approvisionnement responsable des entreprises immatriculées aux États-Unis.

La décision prise hier concernant la section 1502 du Dodd-Frank Act, plus connue sous le nom de « disposition sur les minerais du conflit », a unanimement confirmé la majorité des points prévus par la réglementation de l’organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers, la SEC (Securities and Exchange Commission), et rejeté les recours de groupes industriels pour qui cette réglementation est « arbitraire et fantasque ». Cependant, la Cour d’appel a également trouvé que l’obligation selon laquelle les émetteurs doivent, en vertu de la réglementation, décrire leurs produits comme étant « DRC conflict » ou « DRC conflict-free » (liés au conflit en RDC ou libres de conflit en RDC) portait atteinte au droit à la liberté d’expression garanti par le Premier amendement – ce qui est à la fois décevant et dommageable.

La disposition sur les minerais du conflit est une législation historique dont l’objectif est de perturber le commerce de minerais du conflit congolais, qui procure des fonds significatifs à des groupes armés abusifs opérant dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). La loi, qui contraint les entreprises immatriculées aux États-Unis et utilisant de l’étain, du tantale, du tungstène ou de l’or à savoir si leurs achats ont pu financer par inadvertance des groupes armés en RDC, a des répercussions sur la manière dont les entreprises examinent leurs chaînes d’approvisionnement et elle a conduit à d’importantes réformes dans l’est de la RDC et dans les pays voisins.

La décision de la Cour d’appel reconnaît unanimement le bien-fondé de plusieurs aspects clés de la règle de la SEC, notamment l’absence d’une exemption de minimis, le champ d’application du devoir de diligence et l’analyse des coûts de la SEC.

« Cette décision fait savoir sans équivoque aux entreprises qu’elles doivent assumer leurs responsabilités en veillant à ce que leurs chaînes d’approvisionnement n’alimentent pas le conflit en RDC », a déclaré Corinna Gilfillan, responsable du bureau de Global Witness à Washington. 

Cependant, deux des trois juges du panel ont également trouvé qu’obliger les entreprises à décrire leurs produits comme étant « liés au conflit en RDC » ou « libres de conflit en RDC » portait atteinte au Premier amendement.

« Global Witness est en profond désaccord avec l’avis des juges Randolph et Sentelle qui font valoir que l’obligation pour les entreprises de signaler si leurs produits sont libres de conflit ou non porte atteinte au Premier amendement », a ajouté Corinna Gilfillan. « Ce type de divulgation factuelle constitue une information essentielle pour les investisseurs et les consommateurs qui souhaitent évaluer les efforts de diligence déployés par les entreprises dont les achats auraient pu alimenter le conflit et des atteintes aux droits de l’homme. »

Le juge Srinivasan, le troisième juge du panel, a émis une déclaration dans laquelle il qualifiait de prématurée la décision relative au Premier amendement et a refusé de s’y joindre. Il a exhorté la Cour à attendre la décision d’une formation de plusieurs juges sur une autre affaire portant sur un point juridique similaire, à savoir « American Meat Institute (AMI) v. U.S. Department of Agriculture » (Institut américain des producteurs de viande contre le ministère américain de l’Agriculture), affaire qui devrait être entendue par tous les juges actifs du circuit de D.C. le 19 mai 2014.

« La décision de la Cour n’a ni infirmé la règle ni suspendu l’exigence de déclaration de l’information », a précisé Corinna Gilfillan. « Les entreprises couvertes par la section 1502 doivent toujours soumettre leurs premiers rapports à la SEC au plus tard le 31 mai 2014. Il est primordial que les entreprises continuent de respecter cette loi. La section 1502 a déjà catalysé des changements positifs dans la manière dont les entreprises immatriculées aux États-Unis se penchent sur leur approvisionnement en métaux. »

Un an après l’entrée en vigueur de la section 1502, les entreprises immatriculées aux États-Unis ont commencé à retracer leurs chaînes d’approvisionnement. Ainsi, en janvier, Intel a annoncé que tous ses microprocesseurs étaient désormais libres de conflit et, en février, Apple a publié une liste exhaustive des fonderies de sa chaîne d’approvisionnement qui sont libres de conflit et liées au conflit. Depuis l’entrée en vigueur de la loi en 2010, les entreprises immatriculées aux États-Unis ont réalisé des investissements significatifs dans des initiatives visant un approvisionnement responsable et « libre de conflit » dans la région des Grands Lacs.

La section 1502 a également incité le gouvernement congolais à agir pour empêcher le commerce de minerais du conflit. Ainsi, en 2012, le gouvernement de la RDC a introduit une législation qui exige des entreprises qu’elles respectent les normes internationales du devoir de diligence établi par l’OCDE, et les premiers rapports d’entreprises devraient être publiés ce mois. Le gouvernement congolais a aussi pris des mesures pour démilitariser les régions minières. 

Global Witness a déposé un mémoire d’intervenant désintéressé dans le cadre de cet appel afin de sensibiliser à ces problématiques et d’appuyer la réglementation telle que la SEC l’a promulguée. Global Witness continuera de suivre toutes les étapes de cette importante procédure judiciaire. Il est crucial que la Cour d’appel pour le circuit du D.C. agisse afin de s’assurer que les lois relatives à la liberté d’expression ne servent pas à contrecarrer l’obligation pour les entreprises de fournir des informations essentielles pour les droits humains.

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Corinna Gilfillan, Washington +1 202 621 6665 ou +1 202 725 8705 [email protected]

Annie Dunnebacke, Londres +44 207 492 5897 +44 791 251 7127 [email protected]

Notes

La section 1502 exige des entreprises immatriculées aux États-Unis qu’elles déterminent si elles utilisent ou pas des minerais provenant de RDC ou de pays voisins et, dans l’affirmative, qu’elles soumettent leurs chaînes d’approvisionnement à des contrôles – l’obligation de diligence – pour s’assurer de ne pas financer indirectement des atteintes aux droits humains. Les entreprises sont tenues de rendre compte chaque année de leurs efforts de diligence dans des rapports publics remis à la SEC. 

Le recours fait référence à une affaire initiée à l’encontre de la SEC en octobre 2012 par trois associations industrielles – la Chambre de commerce des États-Unis, l’Association nationale américaine des manufacturiers (National Association of Manufacturers, NAM) et l’association Business Roundtable – qui ont fait valeur que l’application de la règle émise par la SEC était bien trop lourde et onéreuse pour les entreprises. En juillet 2013, la Cour d’appel pour le circuit du D.C. a reconnu le bien-fondé de cette loi, qualifiant d’exagérés et de fantasques les arguments des groupes industriels. Ceux-ci ont fait appel du jugement en août 2013.

En mars 2014, la Commission européenne a présenté une proposition législative sur l’approvisionnement responsable en minerais dans l’Union européenne. Un avant-projet de loi a également été introduit au Canada dans le but de contraindre les entreprises à soumettre leurs chaînes d’approvisionnement à un exercice de diligence raisonnable.