Communiqué de presse / 3 Avril 2008

Des défenseurs des droits de l'homme sont empêchés de rencontrer les victimes du massacre de Kilwa

Des défenseurs des droits de l'homme sont empêchés de rencontrer les victimes du
massacre de Kilwa

Le gouverneur du Katanga défend aux militants de prendre un avion pour Kilwa
ACIDH, ASADHO, Global Witness et RAID condamnent aujourd'hui la tactique
flagrante des autorités gouvernementales du Katanga visant à empêcher des défenseurs
des droits de l'homme congolais de poursuivre le travail légitime qu'ils mènent dans le
secteur des droits de l'homme.

Dans la dernière série d'entraves à la quête de justice pour les victimes du massacre de
Kilwa de 2004, le gouverneur de la province du Katanga, Moïse Katumbi, et le ministre
provincial de l'Intérieur, Dikanga Kazadi, ont interdit à un groupe de défenseurs des
droits de l'homme congolais de se rendre à Kilwa le 1er avril 2008.

Le massacre de Kilwa, qui a fait au moins 73 morts parmi les civils, a été perpétré en
octobre 2004 par des militaires de la 62ème Brigade d'infanterie des Forces armées de la
République démocratique du Congo avec le soutien logistique de la compagnie minière
australo-canadienne Anvil Mining. Anvil Mining a déclaré que son soutien avait été
réquisitionné et qu'elle n'avait eu aucun choix en la matière.

Parmi l'équipe qui envisageait de se rendre à Kilwa figuraient les défenseurs des droits de
l'homme Georges Kapiamba, Jonas Mulamba, Serge Lukunga et Prince Kumwamba,
ainsi que Paulin Ulimwengu, porte-parole des victimes du massacre de Kilwa de 2004. Ils
avaient l'intention de rendre visite aux victimes du massacre de Kilwa pour le compte du
cabinet d'avocats australien Slater & Gordon, qui enquête actuellement sur la possibilité
de réclamer à Anvil Mining, compagnie basée à Perth, par le biais des tribunaux
australiens, des dommages et intérêts pour 61 des victimes.

Les militants ont été surpris lorsque, juste avant le décollage prévu de leur avion de
location, des membres du personnel de la tour de contrôle de l'aéroport de Lubumbashi
leur ont fait savoir que l'Agence nationale de renseignements (ANR) leur avait appris que
leur vol pour Kilwa, Dikulushi et Pweto n'avait pas reçu d'autorisation officielle. Selon
des agents de l'aéroport, le ministre de l'Intérieur de la province du Katanga avait
ordonné au groupe d'obtenir une autorisation préalable auprès du ministère avant de
pouvoir atterrir à Kilwa. Or la compagnie aérienne avait déjà effectué deux vols vers
Kilwa ce jour-là sans nécessiter d'autorisation préalable.

Le 2 avril 2008, les militants ont appris par le chef du bureau de la MONUC (la mission
de l'ONU chargée du maintien de la paix en RDC) à Lubumbashi que le gouverneur du
Katanga avait refusé de leur accorder la permission de se rendre à Kilwa en raison d'une
présumée insécurité dans la région.

Ce même jour, les militants ont appris que le gouverneur avait rencontré un représentant
de la compagnie aérienne ainsi que le chef du Bureau de coordination des affaires
humanitaires de l'ONU (OCHA), et qu'il leur avait demandé de ne pas acheminer
l'équipe de défenseurs des droits de l'homme vers Kilwa.

L'un des militants a par ailleurs reçu un appel téléphonique d'une autorité administrative
locale à Kilwa lui demandant si l'équipe était déjà arrivée à Kilwa et l'informant que si
elle ne disposait pas de « documents officiels », il était inutile qu'elle s'y rende.
« Il est évident que toutes les autorités ont été averties de notre mission et qu'on leur a
ordonné de nous empêcher de faire notre travail à tout prix », a déclaré l'avocat
spécialiste des droits de l'homme, Maître Georges Kapiamba. « Le gouvernement refuse
aux victimes de Kilwa leur droit de recevoir une assistance pour obtenir justice en ce qui
concerne les préjudices qu'elles ont encourus. »

Les tentatives des autorités d'empêcher les militants de se rendre à Kilwa s'inscrivent
dans le cadre d'une démarche bien documentée de la part des autorités congolaises
consistant à entraver la justice et à exercer des pressions sur le dossier de Kilwa.
Les derniers événements indiquent une intensification des efforts déployés par les
autorités pour étouffer la vérité ; c'est également la première fois dans ce dossier qu'elles
usent de telles tactiques pour limiter les déplacements de défenseurs des droits de
l'homme. « Cette démarche indique que les autorités cherchent désespérément à
empêcher que vérité soit faite sur l'incident de Kilwa. Elle crée un précédent inquiétant
pour le travail indépendant mené au Congo dans le domaine des droits de l'homme », a
commenté Prince Kumwamba, directeur exécutif d'ACIDH.

ACIDH, ASADHO, Global Witness et RAID demandent aux autorités congolaises - aux
niveaux provincial et national - de mettre un terme immédiat au harcèlement et aux
tentatives d'entrave dont font l'objet les défenseurs des droits de l'homme qui cherchent
à obtenir justice pour les victimes des graves atteintes aux droits de l'homme perpétrées à
Kilwa.

Pour tout renseignement complémentaire, contacter :
Amigo Ngonde Funsu (ASADHO): +243 998246147, +243 815181707
Georges Kapiamba : +243 814043641, +243 998411070
Prince Kumwamba N'sapu (ACIDH) : +243 995252965, +243 997025331
Patricia Feeney (RAID) + 44 7796 178 447
Carina Tertsakian (Global Witness) +44 207 561 6372

Notes aux équipes de rédaction
En juin 2007, le tribunal militaire du Katanga a acquitté neuf militaires congolais et trois
expatriés employés d'Anvil Mining accusés de crimes de guerre et de complicité dans des
crimes de guerre commis à Kilwa. Ils étaient notamment inculpés d'exécutions
sommaires, de torture, de détention illégale et de pillage. Le procès a été largement
condamné en raison d'insuffisances et d'irrégularités importantes, y compris de
l'ingérence politique et de mesures d'intimidation des témoins. Louise Arbour, Haut
Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a critiqué le déroulement du
procès et l'utilisation inappropriée d'un tribunal militaire pour juger des civils. Elle a
qualifié de préoccupantes les conclusions du tribunal selon lesquelles les événements de
Kilwa étaient la conséquence accidentelle de combats, bien que d'importants éléments de
preuve et témoignages oculaires indiquent le contraire. La cour d'appel militaire a ensuite
également succombé à des pressions politiques, refusant aux victimes le droit de
bénéficier d'une audience d'appel équitable.

ACIDH, ASADHO, Global Witness et RAID ont lancé un appel aux gouvernements sudafricain
et canadien pour qu'ils continuent les enquêtes et éventuelles poursuites
judiciaires contre leurs citoyens cités dans le procès congolais. Ces organisations estiment
également que la Police fédérale australienne devrait continuer d'enquêter sur le rôle joué
par Anvil Mining et son personnel dans les événements d'octobre 2004. En tant que
signataires du Statut de Rome, les gouvernements australien, canadien et sud-africain ont
confirmé qu'ils s'engagent à poursuivre ceux de leurs citoyens qui commettent des
crimes internationaux ou sont complices de tels crimes dans des juridictions étrangères.
En février 2008, le cabinet Slater & Gordon a déposé au nom des victimes une demande
préliminaire devant la cour suprême d'Australie-Occidentale demandant la divulgation de
documents. L'objectif de cette demande est d'établir les circonstances exactes dans
lesquelles Anvil Mining a apporté une aide logistique aux militaires à Kilwa. Anvil
Mining s'est opposée à cette demande.
Pour avoir un complément d'information, se reporter au rapport intitulé « Le procès de
Kilwa : un déni de justice » (juillet 2007), publié par ACIDH, ASADHO/Katanga, Global
Witness et RAID, ainsi qu'au communiqué de presse « Procès de Kilwa : la cour d'appel
militaire succombe à l'ingérence politique » (décembre 2007) publié par Global Witness
et RAID, tous les deux disponibles à l'adresse <a href="http://www.globalwitness.org">www.globalwitness.org</a>
Pour tout renseignement complémentaire sur les événements de Kilwa, consulter
également <a href="http://www.raid-uk.org/docs/Kilwa">http://www.raid-uk.org/docs/Kilwa</a>