Communiqué de presse / 8 Novembre 2010

Des victimes congolaises déposent un recours collectif contre une compagnie minière canadienne

 Montréal, Canada.  Une association représentant des citoyens congolais a déposé aujourd’hui  auprès d’un tribunal de Montréal une requête pour autorisation d’exercer un recours collectif contre la compagnie canadienne Anvil Mining Limited. Il est allégué que cette compagnie, en fournissant une assistance logistique, a joué un rôle dans des violations des droits humains, notamment le massacre par les militaires congolais de plus de 70 personnes en République démocratique du Congo en 2004. Les citoyens ont déposé la requête par le biais d’une association de parents de victimes et de survivants soutenue par une coalition d’organisations non gouvernementales canadiennes, internationales et congolaises.

« Ce dossier est maintenant au Canada parce qu’Anvil est une compagnie canadienne qui doit rendre des comptes pour le rôle qu’elle a pu jouer dans des violations flagrantes des droits humains », a déclaré Matt Eisenbrandt, coordonnateur juridique du Centre canadien pour la justice internationale.

« Chaque jour est une lutte pour survivre et nous nous sentons abandonnés », a déclaré l’un des membres du groupe, Dickay Kunda, dont le père a été roué de coups et torturé alors qu’il était détenu par l’armée. Bien que libéré au bout de six mois, son père est décédé en novembre 2009. « Nous n’avons pas d’autre choix que de nous tourner vers la communauté internationale pour obtenir justice. »

Le groupe, l’Association canadienne contre l’impunité, allègue qu’en octobre 2004 Anvil a fourni des camions, des chauffeurs et autre soutien logistique à l’armée congolaise pour l’aider à contrer une tentative menée par un petit groupe de rebelles pour s’emparer de la ville de Kilwa, un port clé pour les opérations d’Anvil. Au cours de cette opération, de graves violations des droits humains auraient été perpétrées contre la population civile par les militaires. Des véhicules d’Anvil ont transporté des soldats congolais, ainsi que des civils qui ont été emmenés hors de la ville et auraient été exécutés par l’armée. Le groupe affirme également qu’Anvil a permis aux soldats d'utiliser des avions loués par l'entreprise pour atteindre Kilwa depuis Lubumbashi, capitale de la province du Katanga.

« Le soutien matériel d’Anvil a permis à l’armée congolaise d’atteindre très rapidement la ville reculée de Kilwa, où elle s’est ensuite livrée à des exactions généralisées contre la population civile », a expliqué Tricia Feeney, directrice de l’ONG basée au Royaume-Uni Rights and Accountability in Development (RAID). Anvil Mining a rejeté toute accusation de délit et affirme que le soutien logistique a été réquisitionné par les autorités.

L’action en justice canadienne fait suite à un procès militaire controversé qui s’est déroulé au Congo. En 2006, un procureur militaire congolais a inculpé neuf soldats congolais de crimes de guerre, et trois anciens employés expatriés d’Anvil pour complicité dans des crimes de guerre. À la suite de nombreuses irrégularités, le tribunal militaire a acquitté tous les accusés en juin 2007.

« Il a été profondément décevant que le procès fortement politisé au Congo n’ait pas rendu justice aux victimes. Nous espérons que cette action en justice établira un précédent et enverra un message clair aux entreprises qu’elles ne peuvent jouir de l’impunité si elles prennent part à des crimes violents, ou si elles en tirent  profit », a indiqué Seema Joshi, conseillère juridique à Global Witness, ONG basée à Londres.

« Nous devons continuer à lutter contre l’impunité. Les familles des victimes n’ont jamais perdu l’espoir de voir la justice rendue », a insisté Emmanuel Umpula Nkumba, directeur exécutif d’ACIDH, un groupe congolais de plaidoyer qui a apporté son soutien aux victimes.

Un rapport de l’ONU publié en août a cité le procès d’Anvil comme un excellent exemple de la façon dont la justice n’est souvent pas rendue au Congo. Il y a moins de deux semaines, la Chambre des Communes au Canada a fait échouer une législation qui aurait créé un mécanisme permettant à des particuliers de porter plainte pour des actions de compagnies canadiennes à l’étranger.

« La route vers la justice a été rude et longue et nous ne sommes pas encore arrivés », a conclu Georges Kapiamba, vice-président de l’organisation congolaise ASADHO, et principal avocat travaillant auprès des familles des victimes de Kilwa et des survivants au Congo. « Nous espérons sincèrement que les tribunaux canadiens donneront aux victimes l’audience qu’elles méritent. »

Les plaignants sont représentés par le cabinet d’avocats de Montréal Trudel et Johnston, spécialisé dans les recours collectifs.

La plainte porte sur des allégations qui n’ont pas encore été examinées par un tribunal. Anvil aura la possibilité de répondre au cours de ces procédures.

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Pour d’autres informations, veuillez contacter :

  • Matt Eisenbrandt, Canadian Centre for International Justice (CCIJ), (anglais) : +1 613 218 9909 (au Canada)
  • Tricia Feeney, RAID, (français, anglais) : +44 (0) 7796178447 (au Canada) ou

Samentha Goethals, RAID, (français, anglais) : +44 (0) 7733 362 459 (au Royaume-Uni)

  • Seema Joshi, Global Witness, (anglais) : +44 (0) 7912517126 (au Canada) ou

Andie Lambe, Global Witness, (anglais) : +44 (0) 7809 616 545 (au Royaume-Uni)

  • Emmanuel Umpula Nkumba, ACIDH, (français) : +243 997 025 331 (en RDC)
  • Romain Mindomba, ASADHO (français) : +243 815 090 462 (en RDC)

Alfred Lukhanda, ASADHO Montréal (français): +1 514 256 6324 (au Canada)

 

Notes de la rédaction :

1. Les membres de l’Association canadienne contre l’impunité sont des citoyens congolais affectés par les événements qui se sont déroulés à Kilwa en octobre 2004. Des représentants des organisations RAID, ACIDH, Global Witness et CCIJ sont membres du bureau de cette association.

2. D’autres documents pour la presse incluent une chronologie, un document de travail ainsi qu’un document intitulé Le procès de Kilwa : Un déni de justice, Chronologie Octobre 2004 - juillet 2007 qui peuvent être consultés en suivant les liens : http://www.raid-uk.org/docs/Kilwa_Trial/Kilwa-chron-FR-170707.pdf et www.globalwitness.org/library/kilwa-trial-denial-justice

3. Un débat sur l’action collective se tiendra à Londres, le 18 novembre 2010. Veuillez contacter RAID ou Global Witness pour plus de détails.

4. Bureau du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, « Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo », août 2010.

5. Une autre étude globale publiée en octobre a révélé que les compagnies minières canadiennes étaient impliquées dans davantage d’abus en matière d’environnement, de droits humains et autres que les compagnies d’autres pays. Pour d’autres informations sur cette étude globale, voir : « Corporate Social Responsibility: Movements and Footprints of Canadian Mining and Exploration Firms in the Developing World » (Responsabilité sociétale des entreprises : Mouvements et empreintes des sociétés minières et d’exploration canadiennes dans le monde en développement) , Canadian Centre for the Study of Resource Conflict, octobre 2009, qui peut être consulté en suivant le lien :  www.miningwatch.ca/sites/miningwatch.ca/files/CSR_Movements_and_Footprints.pdf

6. Anvil Mining admet avoir apporté un « soutien logistique » sous la forme d’utilisation de ses avions charters, de véhicules et de chauffeurs pour permettre à l’armée d’avoir accès à Kilwa afin de réprimer un soulèvement mineur qui s’était produit en octobre 2004.  En 2005, Anvil a déclaré avoir été contraint de fournir cette assistance. En juin 2007, des employés d’Anvil Mining et neuf soldats congolais ont été jugés non coupables de crimes de guerre ou d’autres crimes liés à l’incident. Le tribunal militaire congolais a accepté les arguments de la défense d’Anvil Mining, selon lesquels la compagnie avait agi dans le cadre d’une réquisition du gouverneur du Katanga.